lundi 5 mars 2012

Anne Sinclair: «Je trouve que des limites du voyeurisme et de l’inquisition ont été franchies»



Anne Sinclair: «Je trouve que des limites du voyeurisme et de l’inquisition ont été franchies»

Anne Sinclair raconte dans son livre, « 21 rue La Boétie », l’histoire de son grand-père Paul Rosenberg, célèbre marchand de tableaux et ami de Picasso. L’épouse de Dominique Strauss-Kahn, aujourd’hui directrice éditoriale du site francais Huffington Post, revient aussi sur les événements que son couple a traversés depuis six mois.

On a prétendu il y a deux ans que ce livre faisait partie d’un « plan com » pour justifier la fortune de votre mari…
ANNE SINCLAIR. Si j’avais voulu faire une communication sur mon compte en banque, j’aurais agi différemment! Ce livre est né de l’envie de rendre hommage à un grand-père, un homme exceptionnel.

Une envie qui vient aussi de la difficulté à faire renouveler vos papiers d’identité, du fait de votre naissance à New York?
Oui, cet incident m’a choquée. Je me suis rendu compte qu’il y a des gens à qui l’on conteste le droit d’être français alors que tout l’atteste. On voit hélas dans la campagne que ce thème de l’identité nationale demeure d’actualité.

Que reste-t-il aujourd’hui de la fabuleuse collection d’art de votre grand-père?
Une partie a disparu pendant la guerre, l’autre a peu à peu été vendue. On a écrit qu’il restait des centaines de tableaux, c’est archifaux!

Vous citez cette phrase à propos de Paul Rosenberg : « Il aurait suffi qu’il se détourne un instant de ses Picasso pour regarder le Renoir, joli, charmant, décoratif et tout en rondeurs qu’il avait dans son lit. » On peut lire ce passage en pensant à vous?
Pas du tout. Cette phrase a été écrite il y a longtemps. Dans ce livre, il n’y a aucune allusion à quoi que ce soit de la période actuelle, à part l’épilogue que j’ai écrit en juillet dernier et qui fait référence à New York.

New York, la ville de rêve de votre enfance, est-elle devenue un cauchemar pour vous?
Lors de ce séjour forcé, ce paradis de l’enfance a changé de visage. Mais je suis d’un naturel oublieux : New York reste pour moi autre chose que ces mois violents.

Comment jugez-vous le travail de la presse sur l’affaire DSK?
Il fut légitime pour faire état d’un événement dont je ne minimise pas l’importance politique. Mais je trouve que des limites du voyeurisme et de l’inquisition ont été franchies.

Assiste-t-on à un retour de la morale conservatrice?
Comme dans toute société en crise, on assiste à un repli. Les gens ont peur de l’avenir. D’où une tendance plus moralisatrice. Les mots eux-mêmes se détournent de leur sens, comme celui de féminisme. Le féminisme, c’est la lutte pour la liberté des femmes. Des féministes autoproclamées ont transformé cela en machine d’interpellation pour dicter à chacun comment il fallait vivre.

A la fin de l’assignation à résidence de votre mari, vous avez été au MoMa, le musée d’Art moderne de New York ,à qui votre grand-père a fait don de toiles. Une façon de boucler la boucle?
Disons que ça nous faisait du bien d’aller voir des belles choses. (Le Parisien)

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